Réunification allemande – 30 ans après

30ème anniversaire

Samedi 3 octobre, la République fédérale d’Allemagne a célébré le 30ème anniversaire de la réunification allemande. Celle-ci n’a été possible que grâce aux manifestations pacifiques qui ont eu lieu dans de nombreuses villes de l’ex-RDA, et grâce au courage et à la détermination de nos voisins d’Europe centrale et de l’Est. De la révolution pacifique découle la responsabilité de défendre la démocratie, l’État de droit et le renforcement de la société civile.

Mais quel est le bilan de ces 30 ans de la réunification ? Ci-dessous vous trouverez le constat du gouvernement allemand qui vient de publier son rapport annuel sur l’état de l’unité allemande.

Le bilan

Le gouvernement allemand vient de publier son rapport annuel sur l’état de l’unité allemande. Ce diagnostic devait inspirer un débat ce vendredi au Bundestag. Trente ans après la Réunification, où en est-on ?

C’était le 3 octobre 1990. Après quarante ans de division, il n’y avait plus qu’une seule Allemagne. Mais la liesse retombée, chacun le savait : il faudrait du temps faire surgir de terre les « paysages florissants » promis par le chancelier Kohl, et homogénéiser les conditions de vie entre l’Est et l’Ouest. Cela prendra « au moins une génération », entendait-on dire. Nous y sommes. Trente ans après, où en est-on ?

La réponse se trouve dans le Rapport 2020 sur l’état de l’unité allemande. Il a été présenté mercredi 16 septembre par le gouvernement allemand. À la lecture de ses 284 pages, un constat saute aux yeux : que de chemin parcouru ! En 30 ans, les territoires de l’Est ont fait peau neuve pour offrir le même visage de modernité que ceux de l’Ouest. Routes, réseaux d’énergie, hôpitaux : la plupart des infrastructures n’ont plus rien à envier à leurs voisines occidentales.

L’Est a rattrapé l’Ouest dans de nombreux domaines

Économiquement aussi, le rattrapage est en bonne voie. En 2018, le revenu disponible par foyer atteignait à l’Est 88,3 % de la moyenne fédérale. Et le niveau des pensions de retraite était proche (97 %) de celui de l’Ouest.

Certes, « ce n’est pas encore 100 % », admet Marco Wanderwitz. Mais « songeons qu’en 1990, la productivité à l’Est s’élevait à 37% du niveau ouest-allemand et les salaires à 50%. Nous sommes aujourd’hui proches de 100 % », ajoute le délégué du gouvernement fédéral aux nouveaux länder.

« Plus de points communs que de différences »

Selon lui, il n’existe plus de différence fondamentale entre l’Est et l’Ouest. Les écarts qui persistent relèvent de différences structurelles comme il peut en exister entre les villes et les campagnes, ou entre des régions prospères et des régions en reconversion. « L’unité n’est plus un objectif à plus ou moins long terme », dit-il. « C’est un fait ». « On le voit à travers les modèles familiaux, les loisirs, le temps de travail, la vie associative, etc. Où que l’on regarde, on trouve davantage de points communs que de différences. »

Les enquêtes d’opinion confirment ce diagnostic. Neuf Allemands sur dix jugent que l’Unification a été une réussite (totale ou partielle). 90 % sont satisfaits ou très satisfaits de la qualité de vie en Allemagne (83 % à l’Est, 91 % à l’Ouest). C’est un niveau historique. Dans les nouveaux länder, 61 % des habitants disent que leur situation matérielle s’est améliorée. 63 % ajoutent que l’Est et l’Ouest se sont rapprochés (une opinion partagée par 53 % des sondés à l’Ouest). Enfin, si on les interroge sur ce qui constitue leur identité, 80 % des Allemands de l’Ouest et 64 % des Allemands de l’Est se disent d’abord Allemands.

Une unité inachevée

Néanmoins, il serait illusoire de croire que toutes les zones d’ombre ont disparu. Tous les observateurs le concèdent, à commencer par M. Wanderwitz : il reste du chemin à parcourir pour achever totalement l’unité allemande. Deux éléments concentrent les préoccupations.

D’une part, l’écart économique n’est pas comblé. 62 % des habitants de l’Est voient dans les écarts de salaire avec l’Ouest la plus grande injustice. Et si l’on regarde le verre à moitié vide, on constate que le produit intérieur brut par habitant de länder de l’ex-RDA n’atteignait que 73 % de celui de l’Ouest en 2019 (79,1 % pour le land de Berlin). Toutefois, si l’on regarde le verre à moitié plein, on se souvient aussi qu’il en représentait 37 % en 1990. Il a, depuis, été multiplié par quatre (hors Berlin).

La ville de Görlitz (Saxe) sur le rivière Neisse, qui sépare l’Allemagne et la Pologne© dpa-Zentralbild

Pour se forger un avis plus précis, on pourra comparer l’évolution de l’économie des länder est-allemands avec celle d’autres régions européennes. Le territoire de l’ex-RDA s’est rapproché plus vite de la moyenne européenne que le reste de l’ancien bloc de l’Est. Le pouvoir d’achat y oscille entre 84 % (Mecklembourg-Poméranie occidentale) et 99 % (région de Leipzig) de la moyenne des 27.

Ainsi, la puissance économique des régions de l’ex-RDA est aujourd’hui plus proche de celle d’une région française que de celle d’une région polonaise. Le revenu disponible par foyer est aussi élevé dans le Brandebourg et en Saxe qu’en Sarre, le land ouest-allemand où il est le plus faible. Et l’Est compte de nombreuses PME dynamiques et fortement exportatrices. Dresde, Iéna, Leipzig et la banlieue de Berlin sont des pôles technologiques de grande envergure.

Les rapports qui se succèdent parviennent ainsi tous aux mêmes conclusions. Ce qui manque encore à l’Est, ce sont les sièges de grandes entreprises et les multinationales. La bonne nouvelle, ajoute toutefois M. Wanderwitz, est que la crise économique consécutive à la pandémie devrait moins impacter l’Est que l’Ouest.

D’autre part, 30 ans après la fin du régime socialiste en RDA, un autre écart apparaît. L’assise de la démocratie dans les esprits semble plus fragile à l’Est, de même que la confiance dans les institutions. Par exemple, 91 % des Allemands de l’Ouest voient dans la démocratie la meilleure forme d’État, contre 78 % des habitants des nouveaux länder. Ces derniers ont, par ailleurs, en majorité (57 %) le sentiment d’être des citoyens de seconde classe. Enfin, on observe chez une partie d’entre eux un rapport différent à l’étranger et une diffusion plus large de l’extrême droite.

Dialogue renforcé

30 ans après l’Unification, le gouvernement allemand est déterminé à affronter ces défis. Il entend parachever ce que la chute du mur de Berlin a initié. Il a défini pour cela une méthode : dialoguer, rendre hommage aux transformations vécues par les habitants de l’Est et partager les connaissances. Une commission a été chargée d’organiser ce dialogue. Elle fera des recommandations d’ici à la fin de l’année.

On le découvre aujourd’hui, il y a des domaines où l’Est est en avance sur l’Ouest : le taux d’emploi des femmes, les structures de garde des enfants, etc. Comme l’affirme Katrin Göring-Eckhart, présidente du groupe des Verts au Bundestag, l’heure est venue d’en parler.

Liens (en allemand)

Article sur le site gouvernemental

Rapport du gouvernement

10 faits et chiffres sur la réunification